AN MITAN AN NOU (En nous)

Cette série, toute récente, est une première approche dans le milieu du carnaval. J’ai voulu aborder la question du carnaval sous un angle plus tribal et spirituel. J’ai voulu sortir du cliché festif et parfois, folklorique afin de capter ces instants qui parlent de la transformation, cette « transportation » dans un high-heure où l’individu change de peau, et où les lieux changent d’interface.

Je ne sais quelles sont les raisons précises, mais je n’avais jamais été attiré par l’ambiance du carnaval auparavant, et je crois encore que je ne me sens pas encore pleinement inclus dans le processus. Je vois encore le carnaval comme un objet sur lequel je porte un regard presque « scientifico-artistique ». Je cherche des traces, des fragments de ce que nous sommes et je m’attache à rester fidèle à cette esthétique qui m’est propre. Sur les lieux, je rentre aussi profond que possible dans le coeur des groupes et j’attends les manifestations. Je me laisse pénétrer par les vibrations des groupes et tâche de rester dans le temps, dans leur temps. J’oublie le spectacle, afin de mieux entendre et mieux voir ce qui est là, sous mes yeux.

Toutes les photos ont été prises dans un seul et même quartier : Fond Laugier. Là, de petites ruelles en dédales cachent des cases d’un autre temps. Le quartier est cinématographique et le temps semble plongé dans une pause sans fin. Fond Laugier correspond à une identité brute et honnête de ce qu’incarnait la Guadeloupe. C’est un quartier en pleine mutation dont l’essence se perd matériellement parlant : les maisons sont abandonnées, les habitants partent et mais son âme rôde. C’est un quartier sans apparât; c’est un quartier du peuple et il restera au peuple. C’est une incarnation de ce qu’est le carnaval de Pointe à pitre; on n’y défile pas seulement, on défie le temps et l’espace. On défie ce qu’on est, on repousse ses propres limites. On défie les autres, ceux qui nous regardent, qui nous envient, nous craignent et nous méprisent, peut-être. C’est un quartier qui happe, envoute, se métamorphose et change les repères. Les lieux participent à la mystique de l’instant. La violence met ses plus beaux habits et nous rend admiratifs. Il est impossible de fuir ce son nouveau qui transporte et charroie dans ses rythmes des énergies lointaines. Nous sommes ce que nous nommes…