Je ne sais si ce doigt pointé vers l’autre est un doigt qui montre, un doigt qui accuse, un doigt qui désigne mais quand il me désigne, il devient un doigt qui tranche. Un doigt qui laisse des traces dans la chair de mon égo. Qui est tu toi, mon autre moi? Ton regard me traverse sans s’arrêter. Que vois-tu?
Je voudrais parler de la violence sans m’attarder sur son sens commun. Si nous continuons de la penser comme une étrangère, elle nous surprendra, comme le fait un voleur, au beau milieu de nos certitudes. Elle nous dérobera de notre apparente assurance, et nous fera basculer dans un épais brouillard menaçant et silencieux, comme ça, là, en un claquement de doigts.
Aurions-nous perdu de vue le « nous-mêmes »? Nous sommes quotidiennement accompagnés par la violence. Elle nous façonne en silence. Elle nous ronge. Elle nous abaisse. Elle nous élève aussi, plus souvent que nous le pensons. Nous avons tort de croire que la violence est uniquement le refuge des faibles. Ce point de vue est juste un versant de la montagne. Il s’agit avant tout d’une énergie pure, vitale et propre à chacun de nous. Le déchirement par lequel nous venons au monde est, déjà, en soi, un processus violent. L’accouchement d’une femme est empreint d’une violence extrême. Le premier cri du nourrisson qui subit «l’arrachement » est également teinté de violence. Dès ses premières secondes de sa vie, la violence s’inscrit en lui comme un réflexe naturel. Et elle ne le quittera jamais. Peut-être passons-nous nos vies à fuir cette violence qui nous habite, en quelque sorte?
La série photo qui suit est une volonté de s’inscrire dans un dialogue visant à nous faire accoucher de notre propre violence, celle qui, invisible, se balade dans nos cours intérieurs. Ces photos sont avant tout des questions et n’attendent pas de réponses. Elles ont pour volonté d’interroger nos consciences, éveiller des doutes et nous invitent à poser des mots sur quelque chose qui s’inscrit dans un « high-heure » fantasmé, rêvé, hérité voire…hors de portée? L’intérêt de cette démarche? Arrêter de penser autrui comme étant le premier responsable des malheurs qui frappent nos sociétés et s’inclure, à titre individuel, dans un processus d’auto-jugement. Que nous disent nos tribunaux intérieurs? »